TVA à 5,5% pour le marché français
Le marché de l’art français continuera à bénéficier d’un taux de TVA réduit
S. Dum. / Les Echos First
Antiquaires, galeristes, maisons de vente ou artistes continueront de bénéficier d’une TVA à 5,5 % après 2025, selon nos informations. Mais ils cesseront d’être uniquement taxés sur leurs marges en cas de revente.
Le marché de l’art français peut pousser un ouf de soulagement. Le séisme fiscal qui menaçait sa bonne dynamique actuelle n’aura pas lieu. Du moins, la secousse sera bien moindre que ne le redoutaient les artistes, antiquaires, marchands d’arts et maisons de vente tricolores.
Depuis le début de l’année, ceux-ci multipliaient tribunes dans la presse et coups de gueule sur les réseaux sociaux. La cause de ce courroux – exceptionnel pour le secteur – était la remise à plat du régime favorable de TVA dont bénéficiait le secteur de l’art en France. Jusqu’à présent, les ventes des tableaux, sculptures, antiquités… se voyaient imposer un taux de 5,5 % de TVA lors de la première vente ou de l’importation depuis un pays hors Union européenne. La revente de ces objets était, elle, taxée au taux normal de TVA de 20 %, mais uniquement sur la marge réalisée par le vendeur – et non sur l’entièreté du prix de vente.
Mais ce régime de faveur ne passe plus les fourches caudines de Bruxelles. « Une directive sur la TVA de 2022 exige la mise en conformité de notre régime de TVA applicable aux ventes d’objets d’art, de collection et d’antiquité », explique-t-on au cabinet du ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. La nouvelle règle européenne, qui doit être transposée en droit français avant le 1er janvier 2025, oblige Paris à choisir : soit garder un taux de TVA réduit, soit garder la taxation sur les marges plutôt que sur le prix de vente. Impossible de conserver la formule actuelle « fromage et dessert ».
Une dynamique à préserver
Après d’âpres discussions avec les acteurs du marché de l’art, le gouvernement a décidé de conserver un taux de TVA réduit à 5,5 %, selon nos informations. A partir de 2025, celui-ci continuera de s’appliquer aux premières ventes ainsi qu’aux importations hors UE. Et il concernera également les reventes d’objets d’art, mais sur tout le prix de vente et non plus uniquement sur la marge. Le changement pénalisera certes les opérations de revente à moindre marge (inférieure à 38 %). Mais c’est un moindre mal.
Depuis qu’un article des « Echos » avait identifié le problème en février dernier, les acteurs français du marché de l’art redoutaient avant tout de voir Bercy opter pour un alignement sur la TVA normale, à 20 %. Cela aurait représenté une quasi-multiplication par quatre de la fiscalité du secteur. Sur un marché très concurrentiel, la France risquait de perdre sa place de numéro quatre mondial.
En vingt ans, l’Hexagone était revenu dans le jeu – passant de 3 % à 7 % du marché mondial de l’art, évalué à 65 milliards de dollars en 2021. Encore loin derrière les Etats-Unis (43 % du marché et une fiscalité avantageuse de 8,875 %), la Chine (20 % du marché et aucune taxe) ou le Royaume-Uni (17 % du marché avec une TVA à 5 %), le pays faisait preuve d’une dynamique remarquable. Le Brexit lui avait permis de commencer à refaire son retard sur Londres et de devenir le point d’entrée des oeuvres en Europe, au point de représenter à moitié des ventes dans l’Union européenne.
Les signes de cette bonne santé se sont récemment multipliés. Aux côtés des fondations privées (Pinault Collection, Fondation Vuitton…), de prestigieuses galeries internationales (Gagosian, Zwirner, Hauser & Wirth…) se sont installées à Paris, le suisse Art Basel a remplacé la FIAC au Grand Palais, l’anglais Bonhams a racheté la maison de vente Cornette de Saint Cyr pour s’implanter sur le marché français…
Un an en avance
Pour ne pas étouffer dans l’oeuf ce foisonnement naissant, le gouvernement a renoncé à le taxer plus fortement. « Après quelques mois de concertation, nous avons décidé, avec Rima Abdul-Malak [ministre de la Culture, NDLR], d’opter pour la seule option réellement viable : celle qui permettra à la France de demeurer au centre du marché de l’art mondial », explique Bruno Le Maire aux « Echos ». Il fait le pari que les finances publiques ne pâtiront pas de ce choix, grâce au développement du marché de l’art – qu’il s’agisse des ventes d’oeuvres ou des activités connexes : logistique, restauration, assurance…
Cette décision gouvernementale fera l’objet d’un amendement au projet de loi de finances pour 2024, qui sera présenté la semaine prochaine. Cela donnera un an au secteur avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles. « Cette décision, si elle est adoptée par le Parlement, permettra à Paris de rester la plus attractive des capitales européennes pour le marché de l’art, se réjouit la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, auprès des « Echos ». Elle favorisera l’effervescence de la scène artistique française et le dynamisme de notre modèle culturel, qui repose tant sur la force des institutions publiques que sur celle des acteurs privés. »
Merci à Laurent Schwarz de la Galerie Place des Arts qui nous tient régulièrement informés à propos du marché de l’art.
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